« La Fabrique du geste », MAMP, Paris, 2019 photographie Raphaël Chipault
Après un premier séjour en France en 1926, sa rencontre et son mariage avec Anna-Eva Bergman en 1929, c’est à partir de 1935 que Hans Hartung s’installe définitivement en France, à Paris,
alors centre névralgique de la création artistique mondiale.
S’il s’intègre rapidement au sein d’un réseau d’artistes, en se liant notamment d’amitié avec Jean Hélion, Henri Goetz ou Alexander Calder, il faudra attendre
l’après-guerre pour qu’il multiplie les expositions.
Celles-ci ont d’abord lieu au sein des galeries - notons sa première exposition personnelle chez Lydia Conti en 1947, puis suivrons les galeries Colette Allendy, Denise René, Louis Carré et la galerie de
France avec laquelle il liera une solide collaboration dès 1956.
La reconnaissance institutionnelle est plus progressive, et se fait en premier lieu en région. En 1949, il intègre la collection du musée de Grenoble en faisant don de sa toile T1949-29
par l’intermédiaire de Michel Seuphor. Le château Grimaldi à Antibes - actuel musée Picasso,
est le premier à offrir à Hartung une exposition muséale en 1959. Celle-ci donnera lieu au don par Hartung d’un pastel de 1959 présenté dans l’exposition. D’autres institutions régionales
intégreront Hartung dans leurs collections d’art moderne en achetant ses œuvres,
comme le musée des Beaux-Arts de Lille en 1966 ou le musée Cantini de Marseille
en 1970, avec parfois un achat directement auprès de l’artiste - c’est le cas du musée des Beaux-arts de Rouen en 1963.
Si Hartung intègre les collections publiques françaises à travers tout le territoire, il faut s’attarder sur la collection du
Musée national d’art moderne - Centre de création industrielle Georges Pompidou, plus grande collection d’art moderne en France, et
également l’une des plus importantes collections publiques d’œuvres de Hartung.
Jusqu’en 1947, il n’y avait pas de Musée national d’art moderne en France, et les collections d’art du XXe siècle étaient éparpillées dans plusieurs institutions. Après la Seconde Guerre mondiale, Georges Salles,
alors directeur des Musées de France, poursuit un projet engagé en 1937 au moment de
l’exposition universelle, en créant le musée national d’art moderne au Trocadéro, dans l’enceinte de l’actuel palais de Tokyo. Jean Cassou en est le premier directeur. Il ouvre dans un premier temps les
collections nationales aux artistes de l’avant-garde (Picasso, Chagall, Brancusi, Braque, etc.).
C’est sous sa présidence que le musée acquiert sa première œuvre de Hartung, T1954-16, achetée directement à l’artiste en 1955. Hartung fera ensuite don
de quatre pastels au musée en 1960, dont P1960-112, que Jean-Luc Godard choisira d’exposer comme « peinture de cœur » au
sein de sa rétrospective dans la même institution en 2006 (voir Pauline Mari, Hartung Nouvelle Vague, p. 207).
En 1969, l’historien de l’art Jean Leymarie arrive à la tête de l’institution et s’attache à développer la collection d’art vivant. 1969, c’est aussi l’année de la grande rétrospective Hans Hartung au Musée national
d’art moderne. Deux dons de l’artiste se nouent autour de cet événement :
un premier en amont en 1968, et un second en 1969 par l’intermédiaire de la Société des amis du musée.
Le début des années 1970 marque le lancement de projet de centre d’art et de culture à Beaubourg par Georges Pompidou, qui permet de rediscuter la structuration des collections d’art contemporain. Le nouveau centre d’art est inauguré en 1977
avec à sa tête Pontus Hultén qui développe considérablement la
collection d’art contemporain. Hartung, soucieux de sa postérité, voit dans l’aboutissement de ce projet l’occasion d’intégrer dans les collections nationales des œuvres des années 1920 et 1930 qui le placent directement dans une
position de précurseur de l’abstraction gestuelle.
Il fait ainsi don en 1976 de 6 œuvres historiques sur papier, et dépose en 1977 deux toiles de 1936 - T1936-2 et T1936-14 - qui seront définitivement intégrées à cet ensemble en 1989.
À travers ce vaste panorama de la collection du Musée national d’art moderne, on s’aperçoit rapidement que les entrées de Hartung dans les collections nationales épousent l’histoire de la création de l’institution. Il faut enfin compléter
cet ensemble par deux dons significatifs,
celui d’Henri Goetz en 1981, et celui de Daniel Cordier en 1989, deux figures importantes de la vie de Hartung.
En parallèle de l’installation du nouveau centre d’art à Beaubourg, les collections d’art contemporain se multiplient en France. Hartung intègre nombre de ces collections avec ses œuvres les plus récentes, témoignant de l’actualité
de ses recherches.
Il rejoint ainsi les collections du LAAC de Dunkerque, du Fonds national d’art Contemporain, ou encore du Fonds départemental pour l’art contemporain du Val de Marne - actuel MACVAL.
La diversité des collections publiques intégrant Hartung sur le territoire français est aussi dû à la création des Fonds Régionaux d’Art Contemporains (FRAC) en 1982, intégrant l’art vivant dans l’ensemble des régions françaises,
tout en soutenant la nouvelle création par des achats directs auprès des artistes.
À 80 ans, Hartung se voit acheté par leFRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur et le FRAC Picardie.
De son vivant, Hartung a constamment cherché à diffuser son œuvre en multipliant les dons aux institutions. Il était donc essentiel que la Fondation Hartung-Bergman, créée par la volonté de l’artiste, perpétue cette démarche.
C’est dans un premier temps l’ancrage régional à Antibes qui est renforcé, avec la donation en 2001 de 36 œuvres au musée Picasso qui avait accueilli sa première exposition en musée en 1959, et sa première initiative de don.
Les liens avec la Ville de Paris ont aussi été constants : le musée d’art moderne de la capitale achète une œuvre à Hartung dès 1965, acquisition suivie en 1966 par un don de Hartung. Plus récemment, l’institution
parisienne offre à Hartung sa plus importante rétrospective depuis la fin des années 1960,
« Hans Hartung, la fabrique du geste » en 2019 suite à l’acquisition de 4 toiles en 2017 dont une donation de la Fondation Hartung-Bergman.
Enfin, deux dépôts d’œuvres de la Fondation au musée des Beaux-Arts de Rennes et au musée des Beaux-Arts de Lyon viennent compléter ce vaste panorama.