Hans Hartung est très tôt intégré à la scène artistique américaine par le biais d’un solide réseau de connaissances intercontinental, parmi lesquelles les peintres Jean Hélion et Georges L.K. Morris,
le collectionneur Albert Eugene Gallatin et le conservateur James Johnson Sweeney. Dès l’entre-deux-guerres, ses œuvres sont reproduites dans les revues d’avant-garde transition et Partisan Review.
Après la Seconde Guerre mondiale, il est présent dans toutes les grandes expositions d’art moderne européen, et est représenté par des galeristes new-yorkais, telles la succursale américaine
de Louis Carré puis la galerie Kleemann qui joueront un rôle important dans sa diffusion au sein des plus grandes collections américaines. L’année 1975 marque l’apogée de l’institutionnalisation de son
œuvre aux États-Unis, avec l’ouverture de son exposition personnelle au Metropolitan Museum de New York.
Toutes ces manifestations ont permis à Hartung d’intégrer les plus prestigieuses collections d’art moderne américain, selon des modes d’acquisition qui leur sont propres.
Aux États-Unis, la notion de collection publique est à comprendre au sens large : il s’agit d’une collection d’art appartenant à une institution publique ou privée, rendue accessible au public dans un établissement dédié. En réalité, il n’existe sur le sol américain qu’une seule collection d’art appartenant à l’État, celle de la Smithsonian Institution, basée à Washington. Pour le reste, il s’agit dinitiatives locales, fruits de limportance de la philanthropie dans la société américaine, héritée de la tradition calviniste selon laquelle toute richesse individuelle doit être rendue à la communauté qui l’a permise.
C’est donc essentiellement par le legs que les œuvres de Hartung entrent au sein des grands musées d’art moderne américains, mode d’acquisition principal de ces institutions.
Les premières donations sont intervenues tôt et ont permis à Hartung d’intégrer de prestigieux musées. Au Museum of Modern Art de New York, par exemple,
sa toile T1948-15 rejoint les collections du musée dès 1952 grâce au don de John L. Senior qui l’avait acquise auprès de la Louis Carré Gallery un an plus tôt.
Cette même année 1952, T1936-1, qui avait intégré la Gallery/Museum of Living Art du collectionneur Albert Eugene Gallatin en 1938, entre dans les collections du Philadelphia Museum of Art.
À la fermeture du musée, hébergé temporairement dans une galerie de l’université de New York, le collectionneur fit don de l’intégralité de la collection au musée de Philadelphie,
soit 175 œuvres d’art moderne européen et américain.
La collection publique d’État de la Smithsonian Institution est elle aussi concernée par les legs de grands donateurs : sa création est d’ailleurs issue du don colossal de James Smithson en 1846. Régulièrement,
elle s’enrichit de nouvelles acquisitions par le biais de legs de mécènes. Ce fut notamment le cas de Joseph H. Hirshhorn, un riche industriel qui fit don en 1966 à l’État américain de plus de 6000 œuvres des XIXe et XXe siècles,
regroupées au sein du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden à Washington. Trois œuvres sur papier de Hans Hartung ont
ainsi pu rejoindre la collection nationale américaine, qui possède également deux toiles au sein des collections
de la National Gallery of Art, là encore issues de legs.
La Albright-Knox Art Gallery, musée d’art moderne et d’art contemporain créé en 1862 à Buffalo, voit ses collections d’art abstrait
agrandies après-guerre grâce au soutien de Seymour H. Knox, « the dean of
American art patrons », qui finance l’agrandissement du musée et soutient l’acquisition d’œuvres contemporaines. Parmi elles, deux toiles de Hans Hartung intègrent la collection en 1959 et 1971, achetées par le biais des galeries
Louis Carré et Kleemann de New York, deux relais locaux de Hartung qui ont permis sa diffusion auprès des grands collectionneurs d’art abstrait.
Les grandes universités américaines sont également un haut lieu de culture, et possèdent toutes une collection d’art acquise grâce à la solidarité d’anciens élèves fortunés, permettant à l’art de s’ancrer pleinement dans sa
fonction sociale d’éducation chère aux Américains. On retrouve ainsi des œuvres de Hans Hartung au sein des Harvard Museums
ou de la Yale University Art Gallery.
Si les donations constituent la part essentielle de l’enrichissement des collections américaines, de nombreux musées ont aussi recours aux achats directs d’ailleurs généralement rendus possible par des fonds alloués par des mécènes.
Pour Hans Hartung, ces achats sont le fruit d’opportunités d’expositions. En 1953, il participe à « Younger European Painters », une exposition sur les recherches artistiques pionnières en Europe après-guerre au
Solomon R. Guggenheim Museum de New York. Organisée par James Johnson Sweeney,
directeur du musée et proche de Hartung, l’exposition présentait l’œuvre T1950-8, que le conseil d’administration
du musée décida d’acquérir dans la foulée.
Il en fut de même au Metropolitan Museum de New York, mais dans la logique inverse : c’est après l’achat de T1965-E33 en 1972 que
le conservateur Henry Geldzahler décida d’organiser une
exposition monographique dédiée à l’artiste, « Hans Hartung Paintings, 1971-1975 », aboutissement des manifestations autour de l’artiste sur le sol américain.